Comment encourager les pères à prendre leur congé parental?
On vous partage ci-dessous les résultats de notre récent sondage.
Au Québec, la majorité des pères prennent leur congé de paternité (73,4% en 2022), soit leurs 5 semaines réservées. Mais qu’en est-il des semaines de congé parental partageables entre les parents (32 semaines)?
Tout d’abord, on constate que la proportion des couples qui se partagent les semaines de congé parental a grandement augmenté depuis l’entrée en vigueur de l’incitatif financier mis en place par le Conseil de gestion de l’assurance parentale en 2021. La proportion est passée de 27% en 2020 à 40% en 2022.
Toutefois, cette proportion tombe à 30%, lorsqu’on regarde les couples qui partagent assez de semaines (6 à 8 semaines selon le régime prises par chaque parent) pour obtenir l’incitatif des semaines de prestations additionnelles.
Et bien que cette proportion soit en hausse, il demeure que dans six familles sur dix, la mère prend l’entièreté des semaines de congé parental.
Comment peut-on alors encourager davantage de pères à prendre des semaines de congé parental? C'est la question que nous avons posée à notre communauté. Avec un total de 132 réponses, notre sondage a mis en lumière trois leviers principaux pour faire évoluer les mentalités et les pratiques. Les résultats révèlent une profonde réflexion sur les barrières structurelles, culturelles et financières qui retiennent les pères d'être pleinement présents au moment de l'arrivée d'un enfant.
Sommaire
Un constat partagé : l’importance d’un temps privilégié avec son enfant
Les semaines réservées : le levier le plus puissant
L’effet de contagion : le pouvoir des standards
Les mesures financières : une barrière qui demeure
Au-delà des chiffres : les autres idées qui ont été proposées
Conclusion : 3 solutions complémentaires
FAQ
Un constat partagé : l’importance d’un temps privilégié avec son enfant
Avant d'explorer les solutions, il est essentiel de comprendre pourquoi ce partage est crucial. Les études le montrent : lorsque les pères prennent un congé parental prolongé, les bénéfices sont immenses.
Pour l’enfant, cela renforce le lien d’attachement et contribue à son développement. Pour la conjointe, cela réduit le fardeau psychologique et la charge mentale, en plus de favoriser un retour au travail plus serein et une meilleure équité professionnelle. Pour le père, c’est une occasion unique de créer une relation profonde et durable avec son enfant, de développer ses compétences parentales et de trouver sa place au sein de la nouvelle dynamique familiale.
Malgré ces avantages clairs, des freins persistent. Notre sondage a cherché à identifier les solutions les plus prometteuses pour lever ces obstacles. L’analyse des résultats nous démontre que chaque mesure proposée s’inscrit dans un ensemble de changements complémentaires.
Les semaines réservées : le levier le plus puissant
Avec 36 % des votes, l'idée d'avoir plus de semaines de congé parental spécifiquement réservées aux pères arrive en tête de notre sondage. Ce n'est pas une surprise. Ce modèle, aussi appelé «use it or lose it» a démontré son efficacité pour augmenter la participation des pères. C’est d’ailleurs parce que les 5 semaines de congé de paternité sont réservées aux pères (second parent) qu’on dénote au Québec une si grande proportion des pères à les prendre. Dans le reste du Canada, où ils n’ont pas ces 5 semaines réservées aux pères, le taux de participation des pères au congé parental est beaucoup plus faible.
Pourquoi cette approche est-elle perçue comme la plus efficace? Elle évite au couple de se demander qui doit prendre le congé, le système instaure un incitatif clair : si le père ne prend pas ces semaines, elles sont simplement perdues pour la famille. Cela permet de contourner les pressions sociales ou professionnelles qui peuvent freiner la prise de décision. Il s’agit d’une mesure structurelle qui envoie un signal fort : la présence du père à la maison n'est pas une option, mais une partie intégrante et valorisée du congé parental.
Les répondants semblent indiquer que l'élargissement de cette portion serait la façon la plus directe et la plus percutante de faire évoluer les comportements de manière significative. C'est une solution qui agit au niveau des politiques publiques, avec un impact immédiat sur le nombre de semaines disponibles et, par conséquent, sur l’utilisation du congé.
L’effet de contagion : le pouvoir des standards
En deuxième position, avec un score très serré de 30 %, arrive l'importance de voir les collègues et les gestionnaires prendre leur congé parental. Ce résultat met en lumière un levier crucial : la culture et les normes présentes au sein d’une entreprise.
Au-delà des politiques et des lois, le congé parental est aussi une question de culture d’entreprise. Dans bien des milieux, la peur d’être mal perçu, de freiner sa carrière ou de ne pas être vu comme un employé « engagé » est une réalité. Un père peut être parfaitement admissible à un congé, mais s'il ne voit aucun de ses collègues masculins le prendre, il se sentira isolé et moins enclin à le faire lui-même. Il arrive même que certains reçoivent des commentaires négatifs les décourageant fortement à prendre leur congé parental.
«Mais voyons, tu vas faire quoi, c’est pas toi qui allaite?»
«Tu vas en profiter pour refaire ton patio?»
En revanche, lorsque la prise de plusieurs semaines voire mois de congé parental par les hommes est valorisée et normalisée, un cercle positif s’installe. Quand un gestionnaire, en particulier, montre l’exemple, cela envoie un message clair à toute l’équipe : l’entreprise soutient cet équilibre de vie. Cela crée un environnement de confiance où les pères se sentent non seulement autorisés, mais aussi encouragés à prendre du temps pour leur famille. C’est un rappel que les changements les plus profonds ne sont pas toujours édictés par la loi, mais par des gestes concrets qui changent les normes sociales et professionnelles.
Comme le pouvoir des standards à l’interne est fort, voici quelques idées pour augmenter la visibilité des pères qui prennent leur congé parental au sein de votre entreprise et qui s’impliquent dans la vie familiale :
Inviter systématiquement des pères à partager leur expérience en congé parental lors d’activités en lien avec la conciliation travail-famille.
Avoir systématiquement des pères comme panelistes lors de discussions sur la conciliation travail-famille.
S’assurer que la communauté de parents ou le groupe d’employés parents soit inclusif à tous les parents, et que des pères y participent activement.
Si des mesures de soutien sont organisées séparément pour les mères et pour les pères, s’assurer que celles pour les pères soient autant visibles et communiquées.
Organiser une demi-journée « Amenez vos enfants au bureau », pour constater que les collègues mères ou pères sont autant concerné(e)s par la conciliation travail-famille, et qu’ils ne sont pas juste des professionnels.
Les mesures financières : une barrière qui demeure
Les mesures financières, avec 29 % des votes, arrivent tout juste derrière en troisième position. Ce résultat, bien que légèrement inférieur aux deux premiers, confirme que l’aspect financier reste un obstacle majeur pour de nombreuses familles.
Le Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) offre une compensation des revenus, mais celle-ci varie selon le régime choisi de 55 % à 75% du revenu annuel régulier (sans boni), et ce, pour un salaire maximum assurable en 2025 de 98 000$.
Plusieurs entreprises offrent une bonification à 90% ou même à 100% des revenus, mais plusieurs le font en majorité pour la durée du congé de paternité (5 semaines). Ce qui signifie que la bonification est terminée lors des semaines de congé parental, qui elles tombent à une compensation à 55% des revenus. Pour les familles où le père (second parent) gagne un salaire supérieur à sa conjointe, la perte de revenu pendant le congé peut représenter un fardeau financier trop lourd à porter.
Certains répondants mentionnaient justement l'importance de rehausser le taux de remplacement des revenus pour les semaines de congé parental pour augmenter la probabilité pour les pères de les prendre.
Il demeure que dans bien des cas, le choix de prendre un congé parental est souvent un calcul financier. Les répondants estiment qu’en offrant une compensation de revenu plus généreuse, les familles pourraient prendre une décision basée sur leurs besoins plutôt que sur des contraintes économiques.
Au-delà des chiffres : les autres idées qui ont été proposées
Enfin, la catégorie « Autres idées » (5 % des votes) a donné lieu à des commentaires forts intéressants qui enrichissent les solutions auxquelles on peut réfléchir :
Un changement de perception : Un répondant a souligné l’importance de voir les congés parentaux comme des « occasions de formation et d'évolution » pour d’autres employés. Cela amène la perception du congé parental comme une opportunité de développement des talents.
L’éducation et la préparation : Une répondante a suggéré d'offrir une formation aux futurs parents pour les sensibiliser à tous les impacts (financiers, humains et psychologiques) liés à l’arrivée d’un enfant. «En collaborant davantage, les parents mettent les chances de leur côté pour vivre ce changement positivement en partageant les semaines de prestations parentales.»
La valorisation du rôle paternel : Une répondante a partagé l'importance de valoriser concrètement ce que les pères peuvent apporter comme père et comme conjoint. En mettant de l'avant le rôle de « partner » auprès de leur conjointe et l'impact positif sur leur relation, cela diminuerait les stéréotypes reliés au genre.
Conclusion : 3 solutions complémentaires
Pour encourager davantage les pères à prendre leur congé parental, plusieurs leviers sont nécessaires, soit les leviers structurels et législatifs, culturels, et financiers.
Les résultats indiquent que la mesure la plus efficace selon les répondant(e)s serait d’ordre législatif, en rendant une partie du congé non transférable et en l’attribuant spécifiquement aux pères. Cette mesure doit aussi être appuyée par des changements culturels en milieu de travail, où les gestes des collègues et des gestionnaires ont un poids immense pour normaliser et valoriser la place de la paternité. Finalement, ces actions doivent être soutenues par un système financier qui ne pénalise pas les familles qui font le choix de partager les responsabilités parentales.
C’est en agissant sur ces trois fronts que nous pourrons créer un environnement où chaque père se sentira non seulement libre, mais aussi encouragé, de vivre pleinement ce moment précieux avec son enfant.
FAQ
Est-ce que les pères qui ont pris un congé de paternité le recommandent?
100% des pères sont contents d'avoir pris leur congé de paternité et le feraient à nouveau, et 90% d'entre eux ont remarqué une amélioration de la relation avec leur partenaire, selon le rapport McKinsey & Company.
Est-ce que les pères veulent prendre leur congé parental au Québec ?
96% des pères trouvent très important de s'impliquer auprès de leurs enfants, selon le Regroupement pour la valorisation de la paternité.
Est-ce que les pères sentent qu'ils ont soutenus autant que les mères ?
49% des pères trouvent qu'ils ne sont pas traités de la même façon que les mères dans les services gouvernementaux de soutien aux familles, selon le Regroupement pour la valorisation de la paternité.